Rencontre maladroite{ Etoile de Saule =D}

Il faisait beau. Le séjour des bienheureux revêtait une longue robe d’azur, sans impureté et, en son centre, sertissait une boule de feu gigantesque et chaleureuse. Ce protecteur céleste transmettait son énergie à toute les choses terrestres, à commencer par les plantes. Les végétaux si courageux refleurissaient après un rude hiver et montraient leurs fières parures multicolores. Ensuite venait les animaux. Ceux-ci prospéraient de plus en plus, procurant par le fait-même une tonne de gibier aux félins habitant l’immense forêt immortelle.

Mais bon, tout ne grandit pas à la même vitesse. Le Clan des Bois, par exemple. Il ne devenait point plus grand, il devenait petit, minuscule même. Car maintenant, il ne restait que la chef, une chatte au corps longiligne et aux yeux d’émeraude, du nom d’Étoile du Saule. Mais peut-on dire qu’une féline détenant le rang de chef est vraiment une meneuse quand elle est seule? Étoile du Saule se le demandait elle-même.

Puisqu’elle n’avait rien à faire, la meneuse des Bois se faufila telle une ombre entre les buissons et les énormes sentinelles centenaires de son territoire. Les responsabilités qui étaient supposées lui peser sur les épaules étaient complètement disparues. Maintenant, seule elle et ses envies vivaient dans les terres qui lui étaient destinées. Bien sûr, la mort d’Étoile de Piment l’accablait toujours, mais en cet instant, la chatte à la robe de terre la voyait courir à ses côtés, libre comme le vent et immortelle grâce au Clan des Étoiles.

Le désir intense de revoir Œil d’If était si tenace et insatiable qu’Étoile du Saule se dirigeait, sans même y penser, vers la petite rivière où elle avait appris à nager. Car oui, la flamme rougeoyant du sentiment qu’on appelle amour décuplait de taille et devenait un feu invincible. Elle savait qu’elle l’aimait, et c’est tout ce qui comptait. Mais quelle sorte d’amour au juste?

Arrivée à destination, l’ancienne lieutenante se cacha dans les arbustes, ayant sentie une odeur familière. Cet effluve si délicieuse, si masculine, appartenait au guérisseur de la Rivière. Ses prunelles s’allumèrent d’un plus vif éclat, joueur. Le matou au pelage gris lustré devait l’avoir aperçu, car il mit une de ses pattes dans le liquide limpide du ruisseau. Alors, Étoile du Saule, comme un petit chaton joueur, se planta à une vitesse vertigineuse devant le mâle aux yeux vert tandis que celui-ci culbutait dans le courant peu rapide. En son for intérieur, elle rit avec un plaisir non retenu. C’était si amusant, si bon de le revoir.

-Ah, c'est toi... Content de te revoir! Tu m'as surpris à vrai dire !

Ses prunelles d’émeraude le fixaient, le détaillaient. Lui, il s’ébrouait et séchait son pelage d’une joliesse aux teintes d’argent. Prise d’un élan soudain, Étoile du Saule s’approcha d’Œil d’If et se mit à l’aider à sécher son pelage détrempé. Sans gêne, contrairement à la première fois. Une première fois qui remontait à des lustres déjà.

-Et c’était voulu! miaula-t-elle avec un ricanement. Moi de même, je suis si contente de te voir. Tu me manquais… Car maintenant, je suis seule, complètement seule…

Cette dernière phrase, la meneuse endeuillée l’avait prononcée avec nostalgie. Toujours être seule, seule au monde, l’accablait plus que la mort d’un proche. Car cette peine, elle ne fait que passer en coup de vent tandis que la solitude, elle, vous poursuit où que vous alliez.

- Ne t'inquiète pas, je suis là moi, tu n'es pas seule...

Par deux fois, il lui avait dit cela, mais c’était bien difficile de le croire. Psychologiquement, Étoile du Saule avait toujours, en tout temps, quelqu’un à son côté. Le plus souvent, c’était sa chère mère adoptive. Mais physiquement… Seuls les sentinelles centenaires lui tenaient compagnie, ainsi que les gardiens célestes et lumineux la nuit. Et Œil d’If disait qu’il était là pour la douce féline des Bois. Les mots sont parfois bien plus faciles à proférer qu’à exécuter. Surtout avec cette phrase. Le code du guerrier entravait leurs pattes et leurs mouvements. Un code gravé dans le sang et la chair des habitants de la forêt, une loi pouvant avoir de grands dangers. De plus, le matou de la Rivière avait comme place dans la hiérarchie la place de soigneur, de guérisseur…

-Je suis sur que certains solitaires aimeraient devenir guérisseurs, lieutenants, guerriers où apprentis. Après tout il y à des bannis qui ne sont pas tous méchants...

Celui qui faisait battre son cœur la regardait intensément, plongeait ses prunelles vertes dans l’âme-même, si noble, d’une forêt resplendissante et fleurissante. La féline aux lourds responsabilités ne bougea point, ne tiqua point, lui faisant ressentir tous ces sentiments.

-Je le sais bien, mon ami. Mais le problème, c’est de les trouver dans mon coin de forêt profonde…

Étoile du Saule frotta sa joue contre le cou de son ami pour se redonner de la force et poussa un doux ronronnement. Moment si délicieux, moment palpable au touché d’une patte, ne part pas. Peut-être ce jourd’hui était le moment tant attendu, le moment propice pour… Non, c’était trop tôt, vraiment trop tôt. Mais peut-être pas. Et s’il ne l’aimait pas en retour, et si… Elle s’éloigna un peu d’Œil d’If, se mit sur ses membres longilignes et lui demanda :

-Alors, que pouvons-nous faire en cette merveilleuse journée de la saison des feuilles nouvelles?

Peu lui importait d’être sue le territoire du Clan de la Rivière. Seul comptait la présence du matou cendré.

[Ah!! Un mois plus tard!! J'ai trop honte... ]

-Si tu veux bien me suivre, j’aimerais te montrer certaines fleurs. Elles ne poussent qu’à la saison des feuilles nouvelles. À la saison des feuilles vertes ces fleurs sont trop délicates pour supporter la chaleur, elles se flétrissent aussitôt.

Le matou à la fourrure d’argent allait lui montrer des fleurs spéciales, à elle, chef du Clan des Bois, mais avant tout son amie? (Était-elle vraiment son amie? Étoile du Saule n’en était plus certaine…) La féline couleur de terre en fut extrêmement touchée. Elle adorait les plantes, surtout celles aux teintes chatoyantes et chaleureuses, mais le territoire qui lui était décerné était trop sombre et rempli de sentinelles immortelles pour pouvoir créer une clairière arc-en-ciel. Étoile du Saule, avec son amour pour la nature et pour la vie, aurait même pu choisir la voie du guérisseur à la place d’emprunter le chemin du guerrier. Mais le destin en avait décidé autrement, ou plutôt, le Clan des Étoiles en avait décidé autrement.

-Oui, bien sûr, je te suis, miaula l’ancienne lieutenante des Bois de sa douce voix mielleuse.

Œil d’If se leva et ils se dirigèrent tous deux vers la forêt à la Rivière pour quitter le ruisseau cristallin. La femelle aux prunelles d’émeraude suivait son ami (le guide) en retrait de quelques pas, pouvant ainsi admirer sa stature fine, pourtant, pour un mâle et son long pelage gris qui ondulait avec la cadence de sa démarche. Une chance qu’il ne la voyait pas le regarder à la dérobé ainsi, car cela aurait été extrêmement gênant. Ah, que c’était bon de le revoir!

L’ombre créée par ces petits arbres leur offrait une minime fraicheur en cette journée ensoleillée, surtout lorsque le soleil est à son zénith. Les volatiles de toutes sortes dansaient dans le séjour des bienheureux, procurant une certaine magnificence, une certaine grandeur, à l’endroit où Œil d’If avait amené la meneuse libre comme l’air. Elle ne vit même pas que celui qui faisait battre son cœur imperceptiblement venait battre de se planter une épine dans la patte tellement la féérie de cette emplacement lui coupait le souffle. Elle, d’habitude si attentive à ses proches. Ses prunelles s’agrandirent de surprise en apercevant, dans un rayon d’ange qui filtrait dans les branchages, au pied d’un chêne magistral, cinq fleurs divines. Des fleurs d’un blanc pur, sans aucune variation de teintes. Des fleurs provenant du Clan des Étoiles.

Le matou guérisseur s’approcha à pas feutré du quintuplais, semblant retenir son souffle, suivi de la féline aux membres longilignes. Il resta planté devant pendant de bien longues minutes pendant qu’elle, elle savourait cet autre moment à sentir sa fourrure contre la sienne. Les fleurs immaculées obnubilaient aussi son esprit… Enfin, elle se décida à briser ce si beau silence :

-Elles sont si belles, magnifiques… Ce sont des merveilles… Sont-elles du Clan des Étoiles? Et au fait, comment s’appellent-elles? Sont-elles de cette couleur, habituellement?

Son vert regard débordait d’interrogation et la chatte souhaitait ne pas avoir trop posée de questions. Car parfois, la curiosité est un vilain défaut, même si, dans cette situation, ce proverbe est bien futile.

Et son bel ami lui répondit avec une pointe d’embarra qu’étoile du Saule ne put discerner la source :

-Ce sont des roses, elles sont bien réelles, mais en effet, abondent dans le monde du Clan des Étoiles. En temps normal, ces fleurs sont rouges, d’un magnifique rouge écarlate. En croiser des blanches, c’est très rare, mais toujours émerveillant.

Ainsi donc ces végétaux embellissaient le monde d’après… La meneuse solitaire et libre comme l’air se dit que ces fameux guerriers de jadis, nobles et courageux, ne devaient point vivre un enfer et voguaient sûrement sur des flots de joliesse impétueuse. Un au-delà parfait quoi. La douce féline secoua sa tête pour enlever ces pensées de mort de ses méninges même si la dernière qui lui vint à l’esprit fut qu’Étoile de Piment devait être bien après les douleurs affreuses de sa chute. Un chien l’avait éventrée jusqu’à ce que la féline crème est épuisée ses neuf vies. Une profonde sérénité envahit la chatte brune toute entière. Ce qu’Œil d’If avait expliqué l’avait profondément rassurée d’une manière qu’il ne pouvait comprendre.

Leurs deux toisons accommodées à la saison des feuilles nouvelles entremêlées, la brise vint caresser leur museau, les rafraîchissant un peu plus avec son amie l’ombre. Tout était paisible, et Étoile du Saule était infiniment reconnaissante au beau mâle argenté de lui avoir montré ce quintuplais de fleur si spéciales sous un grandiose chêne. C’était peut-être futile comme activité de regarder des fleurs et comme savoir, mais pour la chatte du Clan des Bois, ça signifiait l’espoir d’un clan prospère et fort et d’un avenir en compagnie de l’être. Une compagnie presqu’inexistante…

Elle poussa un long soupir d’exaspération, faisant fit de la présence du guérisseur de la Rivière et de ce qu’il pourrait se dire en son for intérieur. Étoile du Saule voulait lui montrer sa gratitude envers une raison qu’il ignorait, lui montrer quelque chose à la hauteur. Mais elle n’avait rien à offrir… Mais… Peut-être que si? Serait-ce le moment opportun? Non, il ne fallait pas, le code du guerrier était formel sur ce point (même si, en ce moment, elle s’en balançait royalement) et, de toute façon il la rejetterait. Pourquoi des pensées si négatives? Parce qu’il était bien trop parfait, bien trop désirable et qu’un refus catégorique la jetterait dans la prison de la tristesse et de l’accablement. Elle si joyeuse et positive habituellement.

L’ancienne lieutenante, prise d’une sorte de pulsion, s’étendit sur le sol herbeux et roula sur le dos pour maintenir cette position, les quatre pattes repliées sur elle-même. Ses prunelles d’émeraude fixées sur le firmament d’un bleu cyan, Étoile du Saule, la si intelligente chatte ayant laissé partir tant de chats, se décida enfin à poser une autre question au matou cendré à son côté. Quoi que leurs nombreux silences étaient du finesse incomparable, elle devait se permettre de rompre celui-ci.

-Comment pourrais-je te remercier de m’avoir montré de telles merveilles? Je n’ai d’aussi beau et intéressant à te montrer…

La meneuse des tréfonds des bois replanta son regard pétillant dans celui si… comment dire? Chavirant du mâle-guérisseur. Vu dans bas, il paraissait bien plus grand, bien plus sublime… Étoile du Saule pourrait le contempler des heures durant sans s’en lacer. Un sourire d'exaltitude se dessinait sur la gueule de la femelle.

[Que va donc répondre Iffou à Saulou, hein? Eh bien moi, j’ai bien hâte de le savoir! Pour ça, va falloir que j’attende un mois et plus… Sniff, sniff. ]